Alors que Paris se vide au mois d’août, quelques lieux éclosent, confidentiels le temps d’un été mais bientôt propulsés sur la scène culinaire de la capitale comme des étapes gourmandes incontournables. C’est le cas de Pristine, tout jeune restaurant ouvert par Michelle Primc et Jérémy Grosdidier au 8 rue de Maubeuge dans le 9e arrondissement.

Précédemment gérante opérationnelle d’un grand groupe au Luxembourg, Michelle s’est aussi frottée au milieu de l’hôtellerie à New-York. C’est au Luxembourg qu’elle rencontre Jérémy, cuisinier. Lui a commencé à travailler à 15 ans dans la cuisine, suivant un apprentissage classique à Nancy. Il est ensuite monté à Paris, au Jules Verne à l’époque d’Alain Ducasse et au Plaza Athénée, avant de rejoindre le Luxembourg. Fort de leur expérience, ce couple à la scène comme à la ville vient d’ouvrir le restaurant Pristine à Paris. Entre un beurre fumé, un maquereau confit, une superbe tarte aux champignons de Paris ou encore une glace au chocolat à l’huile d’olive, venez faire leur connaissance.

Flannie – Comment est née votre idée de restaurant ? 

Michelle – De base, on aime bien manger, être détendus. On n’est pas trop fan du gastro. On préfère la convivialité avec les amis. On a eu envie d’ouvrir un restaurant où on se sent à l’aise, où on peut partager des choses. On voulait aussi mettre en avant nos valeurs : respecter les bons produits, les producteurs, l’environnement.

Nous nous sommes dit “ce qu’on essaie de faire en privé, essayons de le faire dans un restaurant en ayant un impact un peu plus important.”

F – Pristine… Pourquoi ce nom ?

M – “Pristine” veut dire “primaire, primitif, sauvage”. Ce nom nous est venu quand on a commandé un papier un peu spécial pour le restaurant. Le nom du papier blanc était “pristine”. Nous avons trouvé cela assez cool car nous nous trouvions aussi devant une page blanche et nous voulions revenir à la source du produit, à la base du bien manger.

F – S’il y a du poisson et de la viande à la carte, le légume reste privilégié. Une évidence pour vous ?

Jérémy : j’ai travaillé dans des cuisines méditerranéennes où on exploitait beaucoup le légume. Le légume, je le travaille assez naturellement par envie, par goût du produit. Dans la cuisine méditerranéenne, il y a beaucoup de légumes, des légumes entiers rôtis, travaillés comme de la viande. Ce ne sont pas des légumes cuits à la vapeur, pas très cool. Cela m’a donné une nouvelle vision du légume plutôt que de le voir simplement en garniture, souvent en accompagnement d’une viande ou d’un poisson. Chez Pristine, nous faisons des plats à part entière de légumes. En 2023, il me semble important de mettre les légumes en avant.

F – L’envie de travailler avec des producteurs locaux est venue tout de suite ?

J – Oui, c’était primordial.

M – C’était vraiment la base pour nous, revenir à la source, travailler ce qu’il y a plutôt que d’avoir une idée fixe en tête et de chercher des produits qui correspondent. Là, nous voulons valoriser le travail qui est fait autour de nous. Travailler avec des producteurs locaux nous permet aussi d’avoir de meilleurs produits. Quand on connaît le producteur, on sait avec qui on travaille et le produit qu’on a est mieux que le produit qui vient de l’autre bout du monde, qui a fait x jours en transport. 

F – Comment rendre le légume sexy dans une société où on surconsomme de la viande ?

J – En travaillant avec des techniques issues des restaurants gastronomiques. Quand on voit comment est traitée la viande ou le poisson, les techniques sur un légume sont presque les mêmes. Au légume, il faut amener beaucoup de choses alors qu’une viande ou un poisson cuit au naturel avec de la fleur de sel et de l’huile d’olive, ça peut bien marcher. Le légume va demander un peu plus d’attention. On travaille avec des températures différentes, un fumoir, des salaisons, du brûlé, de la fermentation… On va apporter beaucoup de technique dans le légume pour l’amener à une finalité assez cool.

M – Il faut le voir comme un produit à part entière.

J – On ne se ferme pas la porte non plus. On travaille aussi de la volaille, du poisson. On essaie de travailler le produit dans son intégralité à chaque fois.

F – Quels sont, pour vous, les défis de l’alimentation de demain ?

M – Retrouver du bon grâce à des produits bien faits, respectueux de la planète, respectueux des producteurs, avec des prix justes, et respectueux des consommateurs, avec une vraie valeur gustative et nutritionnelle. Il faut privilégier le produit naturel, non transformé. Produire moins. Le gaspillage alimentaire est énorme. 

J – Réduire aussi la consommation de produits animaliers. 

M – Manger de la viande deux fois par jour, ce n’est plus possible. Manger des avocats en provenance du Pérou tous les jours n’est plus possible non plus. Il faut être plus raisonnable dans notre alimentation, privilégier les chaînes courtes, traçables, locales. 

F – Pouvez-vous nous présenter quelques producteurs avec lesquels vous travaillez ?

M – Bien sûr, pour les produits déclassés, nous travaillons avec Atypique et aussi Beesk, deux sociétés qui achètent les excès de production, les hors calibre, auprès des producteurs et nous les revendent à un prix correct pour toutes les parties. Des carottes pas très droites, par exemple, qui ne conviennent pas aux grandes chaînes.Nous travaillons également avec Nature Urbaine qui fait pousser des fruits et des légumes sur les toits de Paris.

F – Votre carte change régulièrement ? 

J – La carte change toutes les semaines. On aime que ça bouge, que ce soit vivant. Elle évolue en fonction des produits que l’on reçoit. On a quand même plusieurs produits phares, des plats signatures sur la carte que vous pouvez retrouver tout au long de l’année. La tarte aux champignons, par exemple, est créée à partir de champignons qui poussent dans les caves de Paris toute l’année. C’est un produit signature, comme le beurre aéré fumé. On fait notre beurre qu’on fume nous-même, on peut également le servir toute l’année. Ils font partie de notre identité.

M – Ainsi que le Ice Cream Sandwich (au beurre noisette et miel, sarrasin) en dessert. C’est un peu régressif. C’est très, très bon.

F – Pâte feuilletée inversée, champignons rôtis, crème à la fève tonka… Votre tarte aux champignons de Paris met l’eau à la bouche et stimule l’imagination. Comment est née cette recette ?  

J – Nous avons un fournisseur de champignons qui travaille dans un ancien parking de Paris. L’idée était de faire honneur à ce produit toute l’année. Une tarte nous semblait assez régressive et bien à manger toute l’année, tout en pouvant être assaisonnée différemment selon les saisons. En ce moment, on la fait avec un vinaigre de pamplemousse, un vinaigre dans lequel on fait infuser toutes les chutes de pamplemousse déclassées.

F – Comment parvenez-vous à proposer des plats à des prix aussi corrects ? 

M – Les prix sont entre 11 € et 16 € le soir. Il y a plusieurs raisons à nos prix. On travaille pas mal de produits déclassés, des légumes qui sont jugés trop gros, trop petits, ou même des excès de récolte, ce qui nous permet de les acheter à un prix abordable. Les portions sont aussi pensées pour ne pas trop jeter. Nous proposons de petites assiettes. Ecologie et commercialité sont liés.

Photos de Jordan Sapally

4 réponses à « Pristine, retour aux sources culinaire »

  1. […] elle nous parle du légume et nous inspire une autre façon de cuisiner, proche de celle de Jérémy Grosdidier […]

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  2. Super les nordiste devraient vivre ces moments dégustive on attend que Tante Mirianne organise l’assaut sur l ‘établissements
    A bientôt Sylvie et Gust.

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  3. […] peinent encore à trouver des solutions à grande échelle. Il y a quelques semaines, Jérémy Grosdidier et Michelle Primc (restaurant Pristine à Paris) nous expliquaient se fournir en… auprès d’une société, Beesk, qui achète les excès de production aux producteurs et les […]

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  4. […] pense que le shooting qui m’a rendu le plus fier était chez Pristine. Un jour, je vendais de la vaisselle sur le Bon Coin avec ma maman et j’ai reçu un message […]

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